Marianne Massin : Art contemporain et expérience esthétique

Cet article consiste en une synthèse critique de la conférence publique Expérience esthétique et art contemporain de Marianne Massin du 18/12/2013 dans le cadre du programme 2013-2014 de la Société Rhodanienne de Philosophie.

 Remarque liminaire 1 : l’art contemporain (AC) est ici entendu non pas dans son acception large, comme période artistique succédant à l’art moderne à partir de 1945, mais dans son acception restreinte de l’AC comme genre artistique et transgressif vis-à-vis des contenus avec le Minimalisme, des contenants avec Support-Surface, du bon goût avec avec le Nouveau Réalisme, des frontières morales par la provocation ou le blasphème… » selon la définition qu’en donne Nathalie Heinich (lien 1, lien 2, lien 3) (l’AC recouvre une kyrielle de mouvements artistiques comme le land art, l’hyperréalisme, le pop art, l’art minimal, l’art conceptuel…).

Remarque liminaire 2 : les éléments de connaissance délivrés par cette communication sont fort enrichissants, mais l’on peut ressentir un manque à l’endroit du fonctionnement du (ou des) champs (au sens de Bourdieu) de l’AC et des règles qui le régissent (habitus des artistes, construction de l’œuvre, du discours, réception/élaboration des œuvres…). On trouvera ces approches dans les travaux des sociologues de l’art.

La philosophie renouvelle les significations acquises (Merleau-Ponty) tout comme les arts qui ne se réduisent pas au statut de « salon de beauté de la civilisation » (John Dewey).

Gilbert Garcin différencie : l’indifférent / l’amateur d’art

L’expérience : percée, risque et approfondissement

« Repousser les limites de l’art » : voie conceptuelle ou de la performance, processus ou projet

Œuvre : Leviathan, Anish Kapoor, 2011 (vidéo, article)

Quelle expérience esthétique (EE) possible face à cette œuvre ?

Autotélique / Autotélie

Dessaisissement

Hyperesthésie

Implémentation chez Nelson Goodman : lien 1, lien 2, glossaire de parallaxe.net

Types de données (distinction traditionnelle) : sensibles / intelligibles

Distinction de M. Massin : arbitraire idiosyncrasique ≠ construction de l’œuvre

La triple déviance de l’AC :

  • Esthétique : Quelle perception ? Quelle EE ?
  • Ontologique : Est-ce (encore) de l’art ?
  • Axiologique : Le jugement est-il (encore) possible ?

Rejet de l’AC par la philosophie analytique : l’EE y est décrite comme un « fantôme métaphysique » et relevant du mythe.

Réaction fréquente du public face aux œuvres de l’AC : non plus jugement de goût mais de dégoût

Art contemporain comme atelier d’expérimentation où le spectateur est aussi « cobaye »

==> Proposition de M. Massin : bâtir une EE au-delà des dichotomies conventionnelles (goût/dégoût, contemplation/action…).

Dans Expérience et pauvreté (1933), Walter Benjamin (article, édition) théorise une crise de l’expérience et de l’EE qui résulteraient notamment d’une dispersion « de l’héritage de l’humanité pour quelques piécettes d’actuel » (texte sur Œuvres ouvertes).

Modalités de l’EE :

  • Sensibilité singulière de l’individu / éventuellement requise par l’œuvre
  • Conditions de représentation de l’œuvre (altérations : implémentation, reflets du soleil, toux des spectateurs…)
  • Attention distinctive / intransitive
  • Mise en œuvre d’une intelligence du sensible
  • Dimension heuristique de l’EE avec notamment l’exploration du déstabilisant

Triple préjugé :

  • Autarcie (de l’artiste)
  • Immédiateté indépassée
  • Renfermement dans la subjectivité (avec projections)

Proposition de lecture : Le spectateur émancipé (2008) de Jacques Rancière éditions La Fabrique (article).

Œuvre : Exposition Serendipity d’Ann Veronica Janssens (lien 1, lien 2, lien 3)

Déployer les virtualités de l’EE : le sensible et le réfléchi

Le sensible

EE² (expérience esthétique « au carré ») = faire l’expérience de son EE : voir comme l’on voit, sentir comme l’on sent, entendre comme l’on entend…

Dès lors, le plaisir esthétique ne donne plus lieu à la déception de l’attente, mais à la réinvention permanente de nos catégories de perception.

Le réfléchi

La trace spectrale : les virtualités du passé ne peuvent exister sans notre « est-éthique » (esthétique + éthique)

Parallèle avec le fantôme en bibliothéconomie : « Fiche, planchette mentionnant le nom de l’emprunteur que l’on met, dans une bibliothèque, à la place d’un volume sorti » (CNRTL).

Dimension subjective : sollicitation d’une gamme de perception et de réflexions selon l’idiosyncrasie

Dynamique heuristique et éthique : mémoire et responsabilité de mon EE.

Conclusion : EE et AC : les 4 dimensions

  1. Renouveau de l’EE dans l’AC (horizon d’attente, déception…)
  2. Expérience-épreuve (qui affine, aiguise, questionne…)
  3. Modification de notre prisme théorique par-delà les bipolarités et les frontières (actif/passif, sens/non-sens…)
  4. Paradoxale impureté de l’EE (hybridation)

Ressources

Marianne Massin – Publications et communications, STL, Université de Lille 3 URL : http://stl.recherche.univ-lille3.fr/sitespersonnels/massin/massin_publications.html

Marianne Massin sur le site La vie des idées  URL : http://www.laviedesidees.fr/_Massin-Marianne_.html

Plaisirs de l’ouïe et délectation musicale. Cahiers philosophiques, HS « La beauté » 09/2008 URL : http://www2.cndp.fr/archivage/valid/135423/135423-17250-22367.pdf

Benoît Servant « Les figures du ravissement. Enjeux philosophiques et esthétiques de Marianne Massin », Revue française de psychanalyse 2/2003 (Vol. 67), p. 725-730. URL : www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2003-2-page-725.htm.

Inspiration, Arte Philosophie (R.Enthoven), 07/12/2008, 26’20’’ URL : http://www.youtube.com/watch?v=wHz5BN0IVt0

Laisser un commentaire